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Wip69 - Marc Ball - Lui traîne en terrasse  Lui a une tête d’ange L’autre est coupable Lui a défié sa mère L’autre a déçu son père Lui a compris le racisme en fac de socio L’autre en maternelle Lui ne veut pas de la routine L’autre fait le taf Lui c’est un fonblard, une baltringue L’autre c’est un mytho, un ptit con Lui condamne Israël mais aussi les autres L’autre ressent la Palestine, toujours la Palestine Lui voulait mourir à 15 ans avec Kurt Cobain L’autre s’est senti vivre à 15 ans avec Nasir Jones Lui c’est Walking on the wild side L’autre c’est Can I kick it Lui c’est Brel Ferré Renaud L’autre en vrai c’est Cabrel Lui c’est Bourdieu L’autre c’est Fanon Lui est agnostique L’autre empile les pêchés Lui est destiné à réussir L autre est voué à l’échec Lui est plein d’espoir L’autre sera toujours déçu Lui c’est l’amour son moteur L’autre c’est la rage mon frère Lui est porté par les siens L’autre s’en méfie Lui déteste les flics L’autre les évite Lui déteste les fachos L’autre en voit partout Lui manie le verbe avec dextérité L’autre peut remballer n’importe quelle grande gueule Lui consomme L’autre vend Lui veut dénoncer L’autre voudrait fuir Lui a un digicode L’autre n’a pas de caution Lui connaît du monde L’autre connaît la galère Lui aimerait sauver le monde L’autre sauver les siens Pour lui ça vaut la peine Pour l’autre c’est mort Pour lui il faut se battre L’autre ne compte plus les coups Lui parle de lui L’autre parle des autres Lui traine en terrasse, buvant un demi, étalant sa science sur tous les problèmes du monde L’autre, essuie de son cul les bancs publics, avec une canette et un joint pour refaire le monde Lui c’est le sale bobo de merde, le bourge, le ptit blanc L’autre c’est le racailleux, le zyva, le sale arabe Lui s’est persuadé de son destin L’autre aussi Lui, c’est l’enfant seul L’autre aussi Lui a déraillé à une époque L’autre a sombré Lui a donné la vie L’autre a rêvé de sa mort Les deux sont morts Parce que je les ai tué En moi Car je ne suis qu’un nom, un prénom, et ce que je vais en faire Comme toi

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TAG PARIS NEW YORK SAO PAULO Alors que Banksy à New York épate la galerie à ciel ouvert, que le street art est sur toutes les bouches et le graffiti dans les boutiques de luxe, il est bon de revenir à la base. Du bon vieux vandal, du bon vieux gueu-ta. Clément Criseo et Malou Verlomme ont comblé un vide, l’absence d’ouvrage dédié uniquement au tag. Dix années de photos à Paris, New York et Sao Paulo, les trois temples de la discipline accompagnées de citations et anecdotes de tagueurs. Du beau boulot. Quelques extraits qu’on a kiffé : « Le tag a cela de différent qu’il est et restera à jamais vandale » CROYZ « Un jour en sortant du métro Kremlin Bicêtre, un agent de la Comatec nettoyait des tags avec facilité. Je lui ai dit que si c’était un des miens, ce serait moins facile. Il me met au défi, et qu’à cela ne tienne, je lui fais un gros tag baranne coulant de couleur noire. Après quelques secondes, il pulvérise son nettoyant et passe son chiffon. Le tag noir s’efface, mais à sa surprise, il laisse un superbe spectres rouge incrusté dans la peinture… Toi, tu es un chef ! » ECHO « Le tag, c’est de l’acharnement » JACKSON « Il y avait aussi pas mal d’histoire de maquage. Un tagueur qui défonçait tout à l’époque, DEGRE, a vu un jour arriver un grand type plutôt relou qui lui a dit (baffe comprise selon la légende) « maintenant c’est moi DEGRE ». Et le premier s’est volatilisé, fini le gueu-ta, l’autre pouvant profiter à sa guise de sa gloire durement acquise, même si tout le monde connaissait l’histoire. » WORRY « Je respecte les gens, la propriété un peu moins, et j'aime voir cette présence sur les murs. Pour moi c'est un signe de vie dans la ville. Je ne dégrade pas, j'ajoute! » SONICK « Une fois, à Miami, un policier m’a vu faire un tag. Il est venu pour m’arrêter, mais entre temps, j’avais tout recouvert. Quand il est arrivé, j’ai réussi à le convaincre que j’étais employé par le bâtiment, et que je recouvrais le tag parce qu’il dérangeait. Il m’ a laissé partir. » SYE5 « Les tags sont des actes, pas des paroles, ni des images. » EMC « J’ai vécu une histoire marrante au lycée. Là bas, il y avait des membres de deux groupes : le mien, les AC (Anges Criminels), et les LUA. Il y avait toujours des problèmes entre nous. A la fin de 201, il y a eu un changement de direction et la nouvelle directrice a appris que quelques membres du AC faisaient des graffiti et nous a demandé de peindre un pixaçào sur le mur de l’établissement. Nous l’avons fait et elle a aimé le travail. Nous avons obtenu sa confiance et son amitié, mais elle savait maintenant que nous étions des tagueurs et cela nous inquiétait. Nous sommes allés lui parler, elle nous a rassurés en disant que ce que l’on faisait en dehors du lycée ne la regardait pas. Tout ce qu’elle voulait, c’est que nous ne fassions pas de pixaçàos dans l’établissement et qu’on maintienne les autres pixadores loin du lycée. Quelques mois plus tard, les LUA ont envahi le lycée avec les GSL et ils ont fait plein de pixaçàos. Alors avec mon ami SHEFT, nous sommes allés voir la directrice. Elle nous a demandé de taguer tout le lycée, on n’en croyait pas nos oreilles ! On ne s’attendait pas du tout à ça. Au début on pensait qu’il s’agissait d’une plaisanterie, mais on s’est aperçu qu’elle nous demandait réellement de taguer tout le lycée. Quand e lui ai demander la raison de cette décision, elle nous a dit qu’on avait respecté notre engagement jusqu’ici, mais que pour ne pas perdre la face, il fallait qu’on se remette à taguer ! Notre accord devait rester secret. On a attendu la fin de la semaine et on a complètement envahi le lycée de nos pixaçàos. Il y avait BOSKO, TOLK, SLUG, SHEFT, TOTAL, FATAL et pour finir cette journée, nous avons mis deux phrases au mur « Etudie, écoute ton professeur et utilise ta haine pour obtenir ton diplôme » et l’autre « Je ne monte pas de drapeau, je ne colle pas d’adhésif, je n’ai pas de parti, je hais les politiques. La seule campagne que je fais est pour l’éducation et pour que mon peuple se maintienne vivant ». A l’époque, cela a eu beaucoup de répercussions. » BOSKO A VOIR Sur le Tag à Sao Paulo, le PIXACAO, le Documentaire PIXO

NEGRE DES PRAIRIES – LES GANG AMERINDIENS AUX USA Joe Sacco après être passé par la Palestine, la Bosnie, l’Irak ou encore l’Inde a décidé cette fois de revenir dans son propre pays. Il décrit aux côtés de Chris Hedges la décadence des Etats Unis d’Amérique. A la manière d’un road trip, ils traversent les zones sinistrées des USA, où les conséquences du capitalisme se voient à l’œil nu. Ils commencent par la réserve indienne de Pine Ridge dans le Dakota. Misère, alcoolisme et violence. Ils racontent à travers son fameux coup de crayon l’histoire de Mike, un jeune Amérindien devenu chef de Gang. Abandonné à la naissance par une mère junkie et un père alcoolique, il est élevé par la tante de sa mère. Elle est aussi alcoolique et organise des fêtes énormes chez eux qui finissent en bagarre générale. Suicides, accidents, bagarres. Nombreux membres de sa famille à cause de l’alcool. En grandissant, il va trouver une figure paternelle dans les grands de la réserve, ceux qui vont succéder aux militants des AIM (American Indian Movement), les dealers de drogue. C’est le début de la culture des gangs. Sa famille déménage dans le quartier ouest de Rapid City, quartier blanc. Ils ne sont que quatre enfants amérindiens. Il subit brimades, et se fait traiter de « nègre des prairies ». Habitué à la bagarre, il prend la défense des autres enfants Lakota. Rapidement il se fait repéré par un gang d’Amérindiens, les TBZ. Il découvre peu à peu qu’une bonne partie de sa famille trempe dans le trafic de drogue. Il est initié et subit le rituel de scarification, quatre bandes au couteau chauffé à blanc pour indiquer les quatre directions, héritage amérindien. Son gang grossit, et connaît la vie de gangster, bagarres, femmes et drogues. Il gravit les échelons et commence à gagner gros. Il finit par être arrêté et incarcéré dans la prison fédérale d’Englewood dans le Colorado. Il assiste rapidement à son premier viol, son premier meurtre. Il reste avec les Amérindiens, et mène ses affaires dans son coin. Puis après l’assassinat d’un gros bonnet mexicain dans sa cellule, beaucoup commencent à l’approcher, lui montrer du respect, pensant qu’il est impliqué dans le meurtre. Il gravit alors les échelons à toute vitesse et finit par se hisser au rang de chef des Amérindiens et éradique les prédateurs sexuels qui abusaient des jeunes nouveaux arrivants. Il va peu à peu se tourner vers ses ancêtres et la spiritualité. Les Amérindiens ont obtenu l’autorisation d’installer une « sweat lodge » (tente-sauna) dans la prison. « Ce sont les suées les plus puissantes que j’ai jamais eu. 30, 40 gars qui prient pour leurs familles, pour les gens dehors. Ta vie c’est le chaos. Tu es complètement coupé de ta famille. Du reste de la société. On contrôle tout ce que tu fais 24 heures sur 24. On peut prendre ta liberté. On peut te prendre tout ce qui fait ta vie. Mais pas cette relation entre ton cœur et ton esprit. Et c’est là que se situe la spiritualité ». Marc Aller plus loin Un documentaire sensationnaliste sur les Gangs de Pine Ridge : Street Gangs of Pine Ridge : Documentary on Wild Boyz Gang in America's Poorest County . Un article du NY TIMES : Gang Violence Grows on an Indian Reservation A lire : Les mémoires de Géronimo Témoignage de Leonard Peltier activiste de l’American Indian Movement Un documentaire sur l’American Indian Movement

NEW YORK : 20 ANS DE GRAFFITI EFFACES EN UNE NUIT Dans la nuit du 18 au 19 novembre, 5 Pointz, le site de Graffiti le plus célèbre au monde a disparu sous la peinture C’est comme la Mecque du Graffiti à New York qui disparait. Après un long combat judiciaire, les promoteurs immobiliers ont gagné contre les artistes : la destruction du complexe industriel situé au 46 Davis Street dans le Queens a été ordonnée. Les propriétaires, Jerry et David Wolkoof, investissent 400 millions de dollars pour 1000 appartements de grand standing, deux grattes-ciel, à la place d’une usine désaffectée où fleurissaient encore hier les œuvres des plus grands graffiti-artists. En une nuit, et en catimini, quelques 1500 pièces d’artistes ont disparu sous des coulées de peinture blanche. Les propriétaires ont ainsi échappé au classement du site au patrimoine historique, comme l’avaient réclamé de nombreux militants. Jerry Wolkoof, poussant le cynisme jusqu’à confier avoir eu la larme à l’œil, a précisé avoir fait au plus vite pour que la pilule soit plus facile à digérer. Repasser un graff est pourtant le pire des affronts. Le recouvrir de peinture blanche, le pire des mépris. 5 pointz, pour les cinq quartiers de New York, était un monument d’histoire de la Grande Pomme. Ce complexe industriel de près de 20 000 mètres carrés a été investi par les graffeurs dès les années 90, alors que la répression dans le métro les poussait à investir les rues de la ville. Un jour de l’année 1992, un plombier du nom de Pat Dilillo, en convalescence chez lui, constate la prolifération des graffitis dans son quartier. Il crée les Graffiti Terminators, un groupe dédié à les éradiquer. Il constate rapidement que l’entreprise est vaine. Il se dit alors que la meilleure manière d’éradiquer ces nuisances est de les légaliser. Leur fournir un espace autorisé pour mieux les interdire partout autour. S’il n’a pas eu raison de l’irrésistible envie des graffeurs de cartonner les plus beaux spots de la ville, son initiative a engendré un lieu unique au monde, un musée à ciel ouvert. Ainsi, sur les ruines de l’usine Phun, naquit 5 pointz . Un lieu mythique qui a depuis attiré des centaines d’artistes venus des quatre coins du monde. Une occasion unique pour eux de poser en ville, aux yeux de tous, sans se faire serrer, ni repasser. Le site est devenu une encyclopédie vivante de la discipline, de ses styles : tag, flop, bubble, block, wild, fresque, 3D, perso, pochoir. On y trouvait des chefs-d’œuvres en masse, de Cochran, Mataone, à Monsieur Plume, en passant par Mr Blob ou Kram. On compte également les portraits de grandes figures du Hip-Hop comme le Kool Herc de Danielle Mastrion, le Pete Rock de Dekor, ou encore le Nas et le Notorious Big de Owen Dippie. C’est en 2002 que le graffeur Jonathan Cohen, aka Meres One, a décidé de gérer le site. Il sélectionne les artistes, répartit les spots sur les cinq étages, organise les visites touristiques. Jusque-là les propriétaires laissaient faire, bien conscients de la valeur grimpante de leur terrain ainsi occupé et vite renommé dans le monde entier. Meres One a même déposé un recours auprès de la justice pour faire classer le domaine au nom du Visual Artists Rights Act. La pétition a obtenu plus de 25000 signatures, consacrant ainsi un lieu dont les Wolkoof n’ont pas tardé à revendiquer la propriété. CITATION TWITTER MERES ONE @5PointzNYC The biggest art crime was committed today by Jerry Wolkoff ..5pointz genocide 5 pointz est devenu l’une des principales attractions touristiques du Queens, un point de ralliement de la culture Hip-Hop. Cet été, Craig G, Buckshot, Smif-n-Wessun, Marley Marl, Afrika Bambaataa et bien d’autres y ont célébré les 40 ans du Hip-Hop en l’honneur de Kool Herc, parrain de cette culture. Dreddy Kruger, un mc du Queens rattaché au Wu tang a déclaré : « Ce n’est pas juste de l’art qui a été repeint. C’est toute une mémoire qui est effacée. » A l’heure où les pionniers du Hip-Hop peinent à créer un musée dans le Bronx, où les New-yorkais tueraient père et mère pour un bout de Banksy, où le nouveau maire se gargarise de sa prétendue culture Hip-Hop, New York se gentrifie ici sur le dos du graff. Et enterre ainsi un pan de sa propre légende. Marc

FRUITVALE STATION : LE CHEMIN DE CROIX D’OSCAR GRANT Fruitvale Station est une histoire dont on connaît l’issue. L’histoire d’une journée, la première de l’année 2009, marquée par les résolutions d’un jeune noir américain qui seront stoppées nettes d’une balle dans le dos. C’est le film des 24 heures qui précède un meurtre dont les images ont fait le tour du monde. Celui d’Oscar Grant. Le 1er janvier 2009, Oscar Grant, jeune afro-américain de 22 ans, est abattu d’une balle dans le dos par la BART Police, la police ferroviaire, lors d’une arrestation à Fruitvale Station, à San Franciso. La scène est filmée par les passagers du train. Elle déclenche plusieurs nuits d’émeutes, réveillant le spectre de Rodney King. Vient ensuite le temps du procès devant un jury blanc. Oscar Grant a-t-il provoqué, insulté les agents ? Quel était son taux d’alcoolémie ? Avait-il consommé des drogues? Son CV « chargé » est mis sur la table, deal, incarcération et conditionnelle. Etait-il armé ? Le policier quant à lui a-t-il confondu le pistolet avec son Taser? Etait-ce de la légitime défense ? L’officier Mehserle est condamné à deux ans pour homicide involontaire… Oscar Grant, victime d’un meurtre policier devient aux yeux du grand public le personnage ambigu d’un show médiatico-judiciaire. Avocats et journalistes s’étant attelé à relever la moindre aspérité du personnage. C’est à ce stade de l’histoire que Ryan Coogler décide de réaliser Fruitvale Station. Il avait 17 ans quand il a vu les images de la mort d’Oscar Grant. Cela aurait pu être lui, menotté, sur ce quai de gare. Fruitvale Station est son premier film. Il a tout d’un défi que l’on pourrait résumer ainsi : il faut réhabiliter Oscar Grant. Mais il ne s’agit ni d’une chronique misérabiliste, ni d’un pamphlet incendiaire. Il s’agit de faire aimer Oscar Grant à un public qui n’est pas forcément acquis, le « grand public ». Il va pour cela utiliser les deux recettes éculées mais toujours efficaces des drames hollywoodiens, l’empathie et la rédemption. Pour susciter l’empathie, il recours à un casting malin en s’appuyant sur Michael B. Jordan. Ce dernier s’est fait connaître avec le rôle de Wallace dans la série unanimement saluée The Wire. Un jeune gamin de 16 ans avec des rêves d’enfant qui marche à reculons dans la cour des grands. Cette cour où se vend la came, et où ses propres amis seront amenés à le tuer. Le fait que Michael B. Jordan interprète Oscar Grant, c’est un peu comme si Wallace avait eu droit à une deuxième chance, il aurait maintenant 22 ans. La deuxième mamelle de la fiction américaine, la rédemption. Oscar est dealer passé par la case prison, au chômage et infidèle. Mais ce 1er janvier 2009, il est plein de bonnes résolutions et décide de changer de vie. Il abandonne le deal, cherche du travail, se réconcilie avec sa copine, et ce, malgré les tentations. Mais son chemin de croix est ponctué de signes qui annoncent son destin funeste. Sa fille ne veut pas qu’il parte. Le racisme n’apparaît qu’en filigrane dans le film, relégué en second plan, l’objectif étant que le spectateur lambda, donc potentiellement blanc, s’identifie à Oscar. Ryan Coogler a tourné ce film en 20 jours. Le film a un côté guimauve larmoyante, mais redoutablement efficace. A l’image de la scène finale où la mère doit annoncer à sa fille que son père est mort. Et c’est un film probablement nécessaire dans l’Amérique de Trayvon Martin. C’est sans doute ce qui a convaincu le Sundance festival de lui décerner le grand prix du Jury.

LE GOUT DE L’EMEUTE « Mort aux vaches ! Mort aux flics! » hurle une foule compacte à la vue du poste de police du faubourg Saint Antoine. Les poches pleines de boulons, certains sont munis de cannes plombées, d’autres de revolver browning, tous sont venus en découdre avec la police pour venger leur frère qu’ils ont battu à mort. L’agent Vidal qui tente de s’interposer se prend des coups de cannes ferrées sur le crâne. D’autres recevront des tirs. Toutes les vitres du poste volent en éclat et l’intérieur est complètement saccagé. Le cortège avance et conspue le moindre flic qui tombe sous leur main. Etalages, commerces, vitrines sont aussi vandalisés. Badauds, boutiquiers ou travailleurs sont sommés de se découvrir au passage du cercueil sous peine d’être passer à tabac. Nous sommes en 1910, dans le Paris de la « Belle Epoque » et le monde ouvrier a le goût de l’émeute. C’est l’époque où Georges Clemenceau mate à coup de sabre les grévistes. Le livre d’Anne Steiner nous plonge au cœur de ces batailles de rue, qui surviennent généralement suite aux meurtres perpétrés par des policiers lors de conflits sociaux. La figure de l’ennemi par excellence est celle du policier, mais les émeutiers s’en prennent aussi aux signes extérieurs de richesse, pianos, meubles de prix, automobiles sont détruits à coup de masse. Bus et tramways sont incendiés et les conducteurs molestés. Les socialistes comme Jean Jaurès s’inquiètent de ces foules incontrôlables et revendiquent le droit à la manifestation. Un droit qui suggère l’encadrement des manifestants, la désignation de responsables, et la négociation de chaque détail avec les autorités : l’itinéraire, les slogans, l’horaire. C’est ainsi que le 17 octobre 1909, les socialistes assuraient le premier service d’ordre de l’histoire des manifestations en France, muselant le recours à l’émeute. Mais la mort de l’ouvrier menuisier, Henri Cler, tué par un policier suite à un mouvement de grève, va entrainer lors de ses obsèques une nuit d’émeute. Personnage apprécié du quartier, c’était un nomade du faubourg. Sa spécialité était le déménagement à la cloche de bois. Avec l’aide de deux ou trois copains, très tôt le matin, on entassait sur une voiture ses affaires, pendant qu’un troisième larron était chargé de maîtriser la pipelette (concierge). A l’arrivée du cortège au cimetière de Pantin, en haut d’un talus, des centaines de curieux attendent l’affrontement avec les soldats. Aux premiers rangs, une cinquantaine d’enfants de la zone crient « Mort aux sergeots » mais surtout « vive Liabeuf » ! Leur héro récemment condamné à mort. Car à cette époque, l’autre ennemi juré de la police, c’est l’apache. Anne Steiner décrit ces apaches qui « se distinguaient par leur élégance tapageuse, coiffure sophistiquée, casquette à pont, vestes cintrées, pantalons patte d’éléphant, foulards aux teintes vives et bottines de cuir à bouton dorés. Refusant le travail, ils menaient une existence oisive, vivant du charme de leur copine, d’estampage et de rapine. Leur itinéraire, au sortir de l’école, passait souvent par la maison de correction, la prison et le Bat’ d’Af’ (bataillon d’Afrique). Puis le bagne ou la guillotine. En guerre contre la police, surtout celle des mœurs. Les arrestations étaient souvent tumultueuses car les apaches jouaient facilement du surin. » Liabeuf est un cordonnier qui sera accusé à tort d’être un apache, un souteneur. Le 8 janvier au soir, Deray et Fournes, deux agents en civil, sont avertis qu’un jeune homme se vante de vouloir faire la peau de flics. Les deux sont bien connus des apaches du secteur, ils les surnomment bouledogue et perroquet. En embuscade, ils empoignent le suspect à la sortie d’un débit de boisson. Ils hurlent de douleur en se déchirant leurs paumes sur les brassards cloutés enroulés autour des avants bras de Liabeuf. S’en suit une course poursuite, où Liabeuf finit par abattre les deux agents. Il vouait une haine pour les flics pour l’avoir humilier et surtout pour l’avoir fait interdire du secteur l’empêchant ainsi de voir la femme qu’il aimait. C’est en prison qu’il a élaboré son plan de vengeance, ruminant sa rage. L’idée des brassards vient des colliers de molosses que les riches anglais portaient quand ils allaient s’encanailler dans les faubourgs, craignant les étrangleurs. Anarchistes et syndicalistes qui d’habitude rejetaient les apaches saluèrent le cran de Liabeuf, estimant qu’il en faudrait plus des comme lui dans les rangs des émeutiers. Son exécution entraina une autre nuit d’émeute. Marc #émeute #flic #apaches #grève #socialistes Aller plus loin Les Apaches au Cinéma : Casque d’or de Jacques Becker (1952) Interview de Anne Steiner par Article 11 Le peuple blanc qui gronde : une lecture raciale des « émeutes » bretonnes l’émeute de Barbès du 30 Juillet 1955

NOVEMBRE 1993, TROIS CHEFS D’ŒUVRES DU RAP Le mois de novembre 1993 est un des plus riches de toute l’histoire du rap. En l’espace de quelques jours paraissent les albums « Midnight Marauders » de A Tribe Called Quest, « Enter The 36 Chambers » du Wu Tang Clan et Doggystyle de Snoop Dog. Trois galettess, trois classiques, qui ouvrent des voies-phares pour le rap. C’était il y a 20 ans. La sortie de l’album « Doggystyle » de Snoop Dogg, le 23 novembre 1993, venait asseoir le règne de la West Coast, initié un an plus tôt avec l’album de Dr Dre, « The Chronic ». Aux côtés du jeune Tupac, Snoop va dès lors incarner la face scandaleusement glamour du Gansta rap. Des paroles crues sur un son funk. Et son air goguenard va dépasser le ghetto, pour s’introduire dans les fêtes des banlieues pavillonnaires blanches. A cette époque les cendres des émeutes de Los Angeles sont encore chaudes, les jeunesses Noires et Latinos connaissent une répression féroce. C’est dans ce contexte que l’album rencontre un énorme succès. « Doggystyle » apparaîtra comme un doigt d’honneur à l’Amérique puritaine. Au slogan de Bambaata, « Peace, Love, Unity and Having Fun », Snoop répond par sa version de l’American Dream, inspirée du film de la blaxploitation, « Superfly » : l’écran plasma, la plus belle bagnole, et la meilleure dope. Du mot d’ordre de Zulu Nation, il ne retient finalement que le « Having Fun ». Mais si les morceaux sirupeux et « laid back », crachés d’une Chevrolet décapotable, sont devenus des hits, l’album n’en contient pas moins des récits glauques de mères de famille accrocs au crack ou de jeunes pères abattus dans la rue. La vie pour un jeune noir des ghettos de L.A est une impasse, alors autant balancer du Gangsta Funk en attendant la prochaine balle, qu’elle vienne d’un gang adverse ou de la police. Toujours en novembre 1993, sort « Midnight Marauders », le troisième album du groupe new yorkais A Tribe Called Quest (ATCQ) . A l’image de la pochette où figurent les portraits d’une cinquantaine de rappeurs et dj’s, l’album est un hommage à la Old School. Un mélange de soul et jazz pour les flows lancinants du duo Phife et Q.Tip. Des textes portant les valeurs de la Zulu Nation et l’afro-centrisme du collectif des Native Tongues. Un art du sampling poussé à la perfection : trois à quatre sources musicales complètement différentes mêlées comme si elles n’étaient qu’une. « Award Tour », le titre phare de l’album, ne contient pas moins de six samples. A une époque où les droits des originaux se négociaient jusqu’à 100 000 ou 200 000 dollars. La moitié du budget de l’album y passe donc. « Midnight Marauders » est une réponse à « The Chronic » de Dr Dre. Ce dernier avait d’ailleurs confié que c’était après l’écoute du second album de ATCQ, « Low End Theory », qu’il s’était mis à produire « The Chronic ». « Midnight Marauders » sera le plus gros succès commercial de ATCQ…et leur chant du cygne. Mais le plus grand coup de tonnerre va venir d’ailleurs. De Staten Island, des neuf Mc’s qui forment le Wu Tang Clan. Aux chemises larges à carreaux Pendelton de Snoop, Wu Tang oppose treillis sombres et capuches noires. Dès le premier titre le Wu Tang déclare la guerre : « Bring tha Mothafuckin Ruckus ». Les claquements de doigts sonnent commes des os qui craquent. Un son crépusculaire, brut, rugueux. Des samples de films de Kung fu, de Comics et de Soul music. Neuf Mc’s affamés dans un petit studio d’enregistrement à 1000 dollars. Le son sale, le souffle parasite, les couplets enregistrés d’une traite, renforcent l’aspect brut de ces récits de deals et de drames quotidiens, dans le New York du candidat Rudolph Giuallini, futur maire et chantre du tout répressif. Avec « Enter the 36 chambers », Wu Tang donnera le « la » du son new Yorkais pour dix ans.

SNOW ON THA BLUFF – LE VRAI OMAR LITTLE Vidéo : Snow On Tha Bluff - Official Trailer http://www.youtube.com/watch?v=TGm9o37BNjM Une intro à la Hell Yeah de Dead Prez qui vire au projet Blair Witch dans le ghetto d’Atlanta, the Bluff, "Better Leave U Fucking Fool". Le caméscope, fraichement braqué à trois jeunes étudiants venus s’encanailler dans le ghetto, suit la routine de Curtis Snow, dealeur et détrousseur de dealeur, avec 20 ans de métier. Un Omar Little sans fioritures. Pas de glamour, de belles fringues et de club. C’est la chronique crue et sale comme un bouquin de Donald Goines, d’une vie entre toxicos, balles et blunts, la mort à chaque coin de bloc. Une claque dans la gueule. Ce qui pourrait être un film sensationnaliste pour gamins en mal de sensation, vire peu à peu à la tragique survie d’un Curtis Snow, personnage charismatique et redoutablement efficace. Un portrait à la Jarmush d’un quartier déglingué, et la croisade d’un mec empêtré dedans. Un père dealer, violent puis absent, une mère tox, élevé par son oncle et ses cousins, dealers. La mort de ses proches. Sa mère, son frère, son père, sa femme. Et les allez retours en taule. Une fiction, où l’effet de réel est renforcé par l’usage de caméscope. Mais c’est presque inutile tellement les situations sont concrètes et les personnages dans leur propre rôle. « D'abord, on a filmé en vrac ma vie dans le ghetto, en attendant que les trucs habituels arrivent. Puis au fur et à mesure on a commencé à filmer beaucoup de vrais trucs. Pour le reste on a freestylé et on s’est démerdé avec ça. » Beaucoup de rushs n’ont pas été gardé au montage car jugés trop violents et passible de peines de prison. La vie de Curtis Snow et son envie de la filmer a connu un tournant lorsqu’il a croisé Michael K. Williams aka Omar the The Wire. Il va devenir l’un des producteurs de son film lui permettant d’être distribué sur Amazon, Wal-Mart, and Netflix. La rencontre entre le G et le fake G. Le producteur exécutif, Chris Knittel, a expliqué (interview ici) comment il a usé de méthodes de guérilla markéting pour vendre le film. Il achetait quelques centaines de cassettes VHS vierges, copiait une scène du film dessus, les jetait dans la terre, mettait un peu de sang dessus et les mettait dans une enveloppe kraft. Puis il envoyait les cassettes sans adresse de retour à des hommes politiques, des groupes conservateurs, des postes de police et aux médias. Il a appelé ça opération « remuer la merde ». Le film n’a pas sorti Curtis Snow de son ghetto. Quelques mois après la sortie, il se fait lacérer la gorge au cutter. Puis passe un séjour en taule suite à des faits liés au film. Mais il s’est fait connaître, et il est devenu un interlocuteur sur la question des ghettos aux USA, il est régulièrement cité par les rappeurs, et il vient de sortir une autobiographie My Name Is Curtis Snow and I’m a G, et la suite de son film, intitulé Tha city for us. - Interview du réalisateur - The Bluff et la gentrification : Pourquoi pensez-vous que le Bluff n'a pas encore été rasée au bulldozer et embourgeoisée? Atlanta a la réputation de faire ça dans les quartiers pauvres depuis les Jeux olympiques de 1996. Snow: Je ne sais pas vraiment. Ils viennent construire des maisons, mais à peine ils ont construis, des gens les cambriolent et dérobent le cuivre, les éviers et le câblage. Les gens qui construisent ne font ça que pour le cash, ils prennent l'assurance et se payent comme ça, c'est une arnaque aussi. Si vous construisez quoique ce soit là-bas, ça se fera défoncer. Les gens se font payés sur le dos des pauvres là-bas. Marc #omar #thewire #curtissnow #atlanta #ghetto #drogue #documentaire dans le genre : L. A. Gangs de femmes. Le quotidien d’un gang de femme à South Central. http://www.youtube.com/watch?v=XNjL89rXClQ The interrupters – how to stop a riot. Dans un quartier de Chicago, un groupe va tenter d’empêcher la violence en la prenant à la racine. http://www.youtube.com/watch?v=wS5Hjhy1RhM Mr Untouchable L’histoire de Nicky Barnes, un ancien baron de la drogue new yorkais et un des chefs mafieux de l'organisation criminelle afro-américaine The Council, qui contrôlait le trafic d'héroïne à Harlem. http://www.dailymotion.com/video/xmlq8w_mr-untouchable-vostfr-1-3_news Frank Mathews Story Il était le plus gros dealer aux USA. Il disparaît en 1973 avec 15 millions de dollars et ne réapparait plus. http://www.youtube.com/watch?v=QxPCulQhga4 12 O’Clock Boys L’histoire de Pug, un jeune adolescent de 13 ans qui vit dans le Westside de Baltimore. Il est fasciné par le groupe de motards "The Twelve O’Clock Boys" et n'a qu'un seul objectif, pouvoir les rejoindre. "Twelve O’Clock Boys" se réunissent pour défier et affronter la police. http://www.dailymotion.com/video/x12u54x_12-o-clock-boys-bande-annonce_auto

LE ONZE DE L’INDEPENDANCE ALGERIENNE L’ancien joueur de l’équipe du FLN, Mustapha Zitouni, s’est éteint, ce dimanche 5 janvier, à l’âge de 86 ans. C’est l’occasion de revenir sur l’histoire de cette équipe de football hors du commun qui mouilla le maillot pour l’indépendance de l’Algérie. Dans les années 50, Mustapha Zitouni évolue à Monaco. Il est considéré comme le meilleur arrière-central du championnat de France. Sélectionné en équipe de France par Paul Nicolas, il devient incontournable pour les Bleus, à l’aube de la coupe du monde qui se prépare en Suède, en cette année 1958. Mais le 14 avril, Zitouni a disparu. La nouvelle va faire les gros titres de la presse, « Neuf footballeurs Algériens ont disparu ». En effet, Zitouni n’est pas seul. Parmi les neuf déserteurs, on compte Rachid Mekhloufi. Il est le plus célèbre, pièce maîtresse des Verts de Saint Etienne et auteur du but qualifiant la France pour le Mondial. Tous ces joueurs ont quitté clandestinement le territoire français, abandonnant leur carrière du jour au lendemain, et pour quatre d’entres eux, une coupe du monde, pour former l’équipe du FLN Algérien. De vedettes du foot, ils deviennent fellagas, des héros de la résistance nationale algérienne. Zitouni résuma ainsi son engagement : « le problème est plus grand que nous ». Le 15 avril, le FLN émet un communiqué : « Au moment où la France faisait à leur peuple et à leur patrie une guerre sans merci, ils se refusaient d’apporter au sport français un concours dont l’importance est universellement reconnue. Comme tous les Algériens, ils ont eu à souffrir du climat raciste, anti-Nord-Africain et anti-musulman qui s’est rapidement développé en France au point de s’installer dans les stades. En patriotes conséquents, plaçant l’indépendance de leur patrie au-dessus de tout, nos footballeurs ont tenu à donner à la jeunesse d’Algérie une preuve de courage, de droiture et de désintéressement. » Les dents grincent à la Fédération française de foot en apprenant la nouvelle, et la FFF assène, d’un ton paternaliste : « Les joueurs indigènes mordent à pleines dents dans le pain du football que nous leur distribuons. » Mais d’autres voix apporteront leur soutien comme celles de Raymond Kopa, Just Fontaine et Roger Piantoni, qui enverront une carte postale à Mustapha Zitouni depuis la Suède Le foot à cette époque est à l’image de la France coloniale qui dispose des richesses comme des hommes. A tel point qu’une limite est fixée à deux joueurs issus de l'empire colonial par club. Mais les Nord-Africains sont, eux, considérés comme des ressortissants français (ce qui n’empêche pas de les payer bien moins). Cela explique la forte présence de joueurs Algériens dans le Championnat Français. Sur l’autre rive de la Méditerranée, cela fait quatre ans que le FLN se bat pour l’indépendance. Mais dans l’opinion française, la guerre d’Algérie n’est encore qu’une affaire de maintien de l’ordre. Rachid Mekhloufi se souvient : « Les gens qui avaient un père ou un fils en Algérie savaient qu'une guerre s'y déroulait, mais une grande majorité de Français ne connaissait rien de la situation sur place. C'est en apprenant notre engagement aux côtés du FLN qu'ils ont pris conscience de la gravité de la situation ». C’est de Mohamed Boumezrag, sous-directeur de la région Algérie à la FFF que viendra l’idée de créer cette équipe algérienne. Ses deux complices, Mokhtar Arribi, entraîneur d’Avignon, et Abdelhamid Bentifour, joueur de l’Olympique Lyonnais, vont sillonner le territoire français pour approcher les joueurs. Arrivés à Saint-Etienne, ils approchent Mekhloufi et lui disent : « Demain, on s’en va ». Pour les joueurs consentants, commence alors un long périple pour rejoindre Tunis, siège du Gouvernement provisoire de la République Algérienne du FLN. Ils doivent se soustraire à la vigilance des dirigeants de club puis quitter la France à la barbe des douaniers français pour atteindre la Suisse. Ils rejoignent ensuite l’Italie pour embarquer dans le bateau qui les mène à Tunis où s’entrainera désormais l’équipe. Ce que ne savaient pas Abderahmane Soukhane, Rachid Mekhloufi et Mohamed Maouche au moment de leur virée vers la Suisse, c’est que la nouvelle de la fuite des algériens était déjà dans la presse. Et, c’est rendus hilares par l’euphorie, qu’ils atteignent le poste de frontière, où ils sympathisent avec les douaniers qui reconnaissent Mekhloufi. Ils parlent football et coupe du monde avant que ces derniers ne les laissent passer. Les douaniers n’avaient pas encore écouté la radio. Mekhloufi raconte « Ma seule crainte, c’est que j’étais militaire. En fuyant, j’étais déserteur, je risquais la cour martiale. J’en ai parlé à Arribi de cette crainte et il m’a dit : “Et après ? Qu’est-ce que ça peut faire ?” Terrible, cette réflexion : “et après ?”… Voilà. On partait et plus question de revenir en arrière.» A Tunis, ils sont accueillis par le leader nationaliste Ferhat Abbas et le président Tunisien Habib Bourguiba. Au total, trente joueurs professionnels du championnat de France quittent l’Hexagone en vagues successives pour rejoindre le FLN. A leur arrivée sur le sol tunisien, les footballeurs comprennent ce que l’on attend d’eux. Logés à l’hôtel Majestic, ils touchent l’équivalent d’un salaire de joueur professionnel financé par la taxe révolutionnaire, des maillots siglés FLN et un commissaire politique pour les accompagner. Il ne s’agit pas de faire dans le gala, il s’agit de former une véritable équipe nationale, de gagner et de faire de cette équipe l’un des instruments les plus efficaces de la propagande. Pour leur premier match, ils foulent la terre battue du stade Zouiten. Les tribunes sont pleines. Au moment où le drapeau et levé et l’hymne national joué, c’est une explosion de joie, cris et coups de feux jaillissent des tribunes composées exclusivement de maquisards algériens, venus des frontières spécialement pour l’occasion. Le milieu Amar Rouai se souvient en avoir eu les larmes aux yeux. La Fifa à la demande de la FFF va tout faire pour endiguer le phénomène. Elle interdit les pays membres de recevoir le Onze de l’indépendance sous peine de sanctions. Elle fera pression sur les Fédérations du Maroc et d’Egypte qui cèderont. Seul la Tunisie et la Libye continueront d’apporter leur soutien et de recevoir l’équipe. La Fifa ira jusqu’à solliciter une annulation des contrats des « déserteurs ». Mais en pleine guerre froide, c’est finalement une véritable tournée des pays non alignés que vont effectuer les « diamants bruns », surnom donné à l’équipe, traversant l’Europe de l’Est, la Yougoslavie, le monde Arabe, l’URSS jusqu’à la Chine et au Vietnam. Ils rencontreront en personne Tito et Ho chi Minh. Mekhloufi se souvient surtout de la rencontre avec le Général Giap, le vainqueur de Dien Bien Phu : « Nous avons battu les français. Vous nous avez battu au football. Donc vous battrez les Français ». En effet, trois ans plus tard l’Algérie obtenait son indépendance. Certains du Onze de l’indépendance restèrent, d’autres reprirent leur carrière en France, avec la fierté d’avoir marquer l’histoire de leurs crampons. Marc Ball

CRACKOPOLIS, LE GUIDE D'UN FUMEUR DE CRACK Crackopolis est un documentaire sonore en 12 épisodes dans lequel Charles livre un témoignage brut sur son monde, celui du crack à Paris. Ses lieux, ses codes, ses acteurs. Un guide de survie le temps que ça dure. C’est la balade d’un chien-loup, mi shlag, mi bohème, un entremetteur. Il ère dans les marges, le village, celui de la Rotonde à Jaurès, le parking, la crackhouse. La salle de sport comme terrain de chasse. Où l’on croise des mecs qui sortent de taule, des mecs qui font du sport de combat, des mecs qui veulent s’entretenir, tous des clients potentiels. La planque du grossiste, ses gardes, ses vigiles, qui s’échangent les plaques d’immatriculation des flics du secteur. Un système qui fonctionne depuis 15 ans. Charles vit la nuit et fraye son chemin entre les pigeons et les vautours. Plus vraiment bourge, pas vraiment galérien. On apprend peu à peu qu’il se fait ainsi appeler Charles pour faire plus « petit bourgeois qui vient s’encanailler », qu’il est de « bonne famille ». Indépendance financière donc, et propre sur lui. Il « pue l’argent » et parle différemment. Il explique, amusé, qu’il impressionne et qu’il énerve énormément. Il est métis, ni jeune, ni vieux, il peut aller partout, mais ne rester nulle part. Chabin, rasta, baye fall. Il traverse les surnoms. Il n’est « ni de là, ni d’ici ». C’est un « passeur » qui livre les codes d'un monde parallèle à Jeanne Robet, réalisatrice de ce documentaire sonore, une sorte du guide du routard du crack à Paris. Un testament selon ses propres mots. Comment fonctionne le biz, comment se répartissent les territoires, les tarifs, les grades… où fumer, où acheter… où trouver de la thune, les commissions, les vols, les arnaques, les trafics de carte vitale. C’est le parcours d’un funambule au dessus du gouffre, entre l’extase et l’angoisse. Dépouillage, braquage, bagarre. Il parle des amis, à qui l’on offre le caillou qui creusera leur tombe. L’amour, inexistant dans cet univers glauque. Où geushs, putes à caillou, maudou, grossiste en Tmax et costards cravates défilent. Vomi et gorges tranchées. Passes crades et jambes pétés. Il livre son monde, tel qu’il est, comme il livre la recette du bon crack. Ses mots sont soulignés par la musique de David Neerman, improvisée. Parfois harmonique, on au contraire dissonante, une succession de petits thèmes, de notes récurrentes. Samuel Hirsch y a ajouté une touche plus hip hop, plus électronique sur certains épisodes, pour mieux coller à l’univers. Ce documentaire sonore a été pensé comme un concept-album en 12 pistes. Un documentaire qui ne sombre ni dans le misérabilisme, ni dans la fascination malsaine. Parfois simple témoignage, « Ça détruit tout, ton âme, ta sociabilité », parfois simple conseil « Si tu veux devenir un gangster, pas la peine d’en parler ».

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